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La Blairelle en colère
1 novembre 2016

A pour Aces

En ce moment je suis assez prise avec beaucoup de choses, ce qui fait que je n’ai que très peu de temps et peu d’énergie, voire pas du tout, à consacrer à ce blog. C’est très frustrant car je m’étais promis d’y mettre régulièrement de nouveaux contenus originaux (autant que faire se pouvait), et là, honnêtement, je n’arrive pas à tenir le coup.

 

J’ai donc eu l’idée pas originale du tout de constituer, petit à petit, un abécédaire des termes que j’emploie régulièrement et des idées qu’on peut croiser régulièrement sur les réseaux sociaux. Je me suis dit que cela m’aiderait à trouver plus facilement un sujet sur lequel écrire, et puis il y a l’aspect « défi » qui me plaît bien aussi. Ce sera un article à la fois, souvent des brèves, où j’expliquerai rapidement un concept dans un but de vulgarisation, afin que mes lecteurs.ices ne connaissant pas le terme aient une idée globale de ce dont il est question. J’essaierai également de mettre des liens vers des ressources qui expliqueront avec plus de précision et de complexité les sujets évoqués. Ces articles risquent de ne pas être extrêmement originaux car ils reprendront beaucoup de choses que vous aurez pu voir, si vous vous intéressez à ces problématiques, sur d’autres sites et articles. Mon but est des plus humbles : simplement ajouter ma voix à un chœur déjà existant et, peut-être, toucher quelques personnes de plus.

 

Aujourd’hui je vais parler des Asexuels/Aromantiques, qui se sont surnommés les Aro/Aces, parfois réduit à Aces seul.

 

Pour bien comprendre ce dont il est question, il faut d’abord bien comprendre la différence entre la pratique sexuelle, la pulsion sexuelle, l’attraction sexuelle, et les sentiments amoureux, et le fait que ces 4 choses sont séparées et indépendantes.

 

La pratique sexuelle, c’est ce que vous faites, en pratique, sexuellement. Elle n’a rien à voir avec l’orientation. Un homme peut très bien coucher avec un autre homme par curiosité, cela ne remet pas en cause son hétérosexualité. Même le fait d’avoir apprécié les sensations que certains actes ont pu lui procurer ne remet pas en cause son hétérosexualité. Un homme hétérosexuel peut aimer que l’on s’occupe de sa prostate (et donc être pénétré) et une femme hétérosexuelle peut ne pas aimer la pénétration. Une personne homosexuelle peut essayer le sexe avec quelqu’un d’un autre genre, cela arrive d’ailleurs souvent, cela ne remet pas en cause leur homosexualité. Une pratique sexuelle (ou une absence de pratique sexuelle) et les sensations physiques qu’elle procure ne remettent jamais en cause l’orientation sexuelle d’une personne.

 

La pulsion sexuelle, c’est le désir de sexe. Point. Rien de plus que cela. C’est à mi-chemin entre le désir et la sensation physique. Cela peut précéder ou suivre, par exemple, le visionnage d’un film porno (ou de quoi que ce soit qui excite vos fantasmes personnels). Elle peut être suivie d’une mise en pratique, ou pas. Là encore, cela n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle d’une personne.

 

L’attraction sexuelle c’est la cristallisation de cette pulsion sur une personne ou, plus largement, un genre (ou plusieurs). En gros la pulsion, c’est « j’ai envie de sexe », l’attraction, c’est « j’ai envie de sexe avec X ». C’est l’attraction (ou les attractions ou l’absence d’attraction) qui va permettre, pour une personne, de définir et d’identifier son orientation (si cette personne le souhaite. On peut aussi décider de ne pas s’imposer d’étiquette, quelle qu’elle soit).

 

Les sentiments, dois-je le préciser, se situent sur un plan différent  de celui du sexe. Ils peuvent lui être complémentaires, ou pas.

 

Il faut aussi bien comprendre que la sexualité n’est pas tant un bouton « on/off » qu’un espace avec différents pôles entre lesquels on va se situer. Une échelle, si vous voulez. Par exemple, on peut avoir un pôle hétérosexuel et un pôle homosexuel, on peut se référer à l’échelle de Kinsey ou à la grille d’orientation sexuelle de Klein.

 

Alors, où se situent les Aces ?

 

Je vais partir à l’extrémité du prisme : les asexuels au sens strict du terme ne ressentent aucune attraction sexuelle. Cela ne veut pas dire qu’i.el.l.e.s ne s’engageront jamais dans aucune activité sexuelle ni qu’i.el.l.e.s ne ressentiront jamais de pulsion sexuelle. Certain.e.s asexuel.le.s ont au contraire une libido très développée, et, pour reprendre une comparaison souvent utilisée par les Aces, c’est comme d’avoir faim mais absolument aucun aliment qui vous fasse envie. Les conséquences peuvent être d’ailleurs comparables : admettons que vous détestiez les pommes de terre, mais c’est tout ce que vous avez à manger. Vous avez faim, vous vous décidez à manger une purée. La faim va passer, mais vous n’allez peut-être en tirer aucun plaisir, et vous allez peut-être avoir mal au ventre après… Vous voyez où je veux en venir ? Coucher avec des gens pour qui i.el.l.e.s ne ressentent pas d’attraction peut être source d’angoisse, de mal-être, de haine de soi, dépression, etc.

Pour certain.e.s, le sexe est une activité comme une autre, agréable au même titre que manger un cake au chocolat, bien que souvent i.e.l.le.s ne comprennent pas forcément tout le foin qu’on fait autour de cette activité.

Certain.e.s asexuel.le.s se masturbent (pour toutes sortes de raisons).

Certain.e.s asexuel.le.s n’ont pas de pulsion sexuelle.

Certain.e.s asexuel.le.s ne s’engagent dans aucune pratique sexuelle.

Pour certain.e.s le sexe est également objet de dégoût plus ou moins prononcé.

 

L’aromantisme est l’absence d’attraction romantique (la personne ne tombe pas amoureuse), pour simplifier.

Certain.e.s asexuel.le.s sont aussi aromantiques.

Certain.e.s asexuel.le.s sont romantiques, en couple.

Certain.e.s asexuel.le.s sont romantiques, en couple, et aiment l’intimité physique (avec ou sans sexe).

Certain.e.s asexuel.le.s sont romantiques, en couple, et n’aiment pas l’intimité physique.

 

Vous voyez où je veux en venir ? Il existe beaucoup de cas de figures différents. Et aucun de ces cas de figures ne doit vous permettre de délégitimer l’orientation sexuelle de quelqu’un d’autre.

 

Soyons bien clairs, l’asexualité n’est pas une pratique : ne pas vous engager dans des relations sexuelles (que ce soit par choix ou par un concours de circonstances) ne fait pas de vous un.e asexuel.le. L’asexualité est bel et bien une absence d’attraction sexuelle, que ce soit pour un individu, un genre (ou plusieurs). Cette absence d'attraction sexuelle peut être suivie d'une absence de pratique sexuelle. 

 

Puisque la sexualité est une échelle, un prisme, comme je le disais tout à l’heure, il y a toute une zone floue entre sexualité et asexualité. Cette zone regroupe ce qu’on appelle la grey-sexualité (rien à voir avec 50 nuances) ou la demi-sexualité. En effet certaines personnes ne s’identifient pas comme des personnes sexuelles, soit parce qu’elles n’ont ressenti que très rarement une attraction sexuelle au cours de leur vie, soit parce que l’attraction sexuelle ne peut naître que dans certaines conditions. Par exemple pour certain.e.s demi-sexuel.le.s, l’attraction sexuelle ne peut éclore qu’une fois une relation très forté établie avec leur partenaire. Cette attraction peut également ne jamais advenir, quelle que soit la puissance de leur sentiment amoureux. Là encore, cela peut se révéler frustrant ou difficile à gérer, surtout dans le cas d’un couple entre une personne asexuelle et une personne sexuelle. Cependant les témoignages de couples de ce genre fonctionnant extrêmement bien sont nombreux. Après tout, le sexe n’est qu’un des ciments possibles pour un couple. Et, je le répète, le sexe et l’amour sont deux plans différents, bien que pour les personnes sexuelles, ces deux plans se complètent le plus souvent. (Dans le sens où lorsqu’une personne sexuelle aime romantiquement quelqu’un, elle va la plupart du temps développer également une attraction sexuelle pour cette personne.) Il existe de nombreuses sous-catégories au sein de la demi-sexualité.

 

Je vais ici apporter mon témoignage personnel : j’ai été asexuelle et aromantique pendant mes 24 premières années. A l’époque j’ignorais que c’était une orientation. Je n’avais jamais été amoureuse, pas même un crush, et je n’avais jamais ressenti d’attraction sexuelle. Je dois également avouer que je ne comprenais vraiment pas l’intérêt de tout cela ni pourquoi cela prenait une telle part dans la vie quotidienne de chacun, dans les intrigues de films et de séries, etc. Mon orientation a changé depuis et je m’identifie à présent comme hétérosexuelle. Cependant je me retrouve souvent dans nombre de témoignages de personnes s’identifiant comme demi-sexuelles. Si un jour une recherche nous démontrait qu’en réalité l’orientation la plus courante est la demi-sexualité, cela ne m’étonnerait… qu’à demi. Oui. J’ai osé. Personnellement je n’éprouve pas l’envie ni le besoin de m’identifier à la demi-sexualité, sans doute parce que je suis plus proche du pôle « sexuel » que du pôle « asexuel », mais je trouve bien que ce concept existe et permette aux demi-sexuel.le.s d’échanger entre elles.eux leurs expériences.

 

Pourquoi, me demanderez-vous ? Qu’y a-t-il à partager là-dessus ? En quoi être asexuel.le peut-il être difficile à vivre au sein de notre société ?

 

Eh bien les Aces doivent faire face à de nombreuses agressions et micro-agressions.

 

Trigger Warning : je vais lister certains cas de figure glanés au fil de témoignages que j'ai pu lire.

 

 

Commençons par les agressions : le viol, pur et simple. Nombreux sont les asexuel.le.s à avoir été victime de viol par des personnes qui connaissaient leur orientation et ont décidé de les « guérir »… Les menaces de viol sont également fréquentes, aussi bien envers les hommes que les femmes Aces. Le harcèlement physique, sexuel et moral est courant également, les filles sont traitées de « prudes », les hommes se font casser la gueule car ils ne sont pas assez « virils ».

Eh oui, dans une société patriarcale où la virilité est construite autour du pénis (sa présence, sa taille, sa capacité à être en érection, la manière dont on s’en sert, avec qui et à quelle fréquence), NE PAS se servir de son pénis est quelque chose d’assez dangereux.

 

Parlons également des micro-agressions : notre société tout entière est fondée sur le saint couple. Une personne asexuelle se voit fréquemment assénée qu’elle n’a juste pas trouvé « Le/La Bon.ne ». On va leur demander QUAND ils vont se mettre en couple et faire un enfant, etc. Comme si c’était une obligation. En niant leur orientation sexuelle. On va souvent d’ailleurs nier l’existence de cette orientation, l'effacer totalement ou, peut-être pire, la pathologiser en faisant comme si elle était un problème mental ou hormonal. Certes les hormones peuvent avoir un rôle dans la libido et l’attraction sexuelle, mais elles ne sont pas le seul facteur (ou alors les personnes âgées n’en ressentiraient jamais aucune des deux, et on sait que c’est pourtant le cas). Dans tous les cas personne n’a le droit de déclarer d’un on péremptoire que l’orientation (ou le genre) d’une personne « n’existe pas ». Chaque personne a le droit de s’identifier à ce qu’elle souhaite.

Autre type de micro-agression : tout, tout le temps, partout, parle d’amour et de sexe. Imaginez une personne que le sexe dégoûte ou qui n’en voit absolument, mais alors vraiment absolument pas l’intérêt, imaginez à quel point cela doit être usant de voir du sexe en continu ! Je n’aime pas le sport, mais alors vraiment pas. En plus ça m’ennuie. Donc j’aime bien grogner avec mes ami.e.s qui n’aiment pas ça non plus, ça soulage, dans un monde qui valorise le sport à ce point, d’avoir un safe space où s’exprimer et où exprimer un avis et une expérience qui divergent de ceux de la majorité du groupe.

 

Certes les asexuel.le.s et aromantiques ne font pas face aux mêmes discriminations que certain.e.s autres membres de la communauté LGBTQIA+, mais i.el.l.e.s ne sont pas hétérosexuel.le.s et font face à certaines discriminations et oppressions de ce fait.

 

J’ai très peu parlé de l’aromantisme parce que c’est quelque chose qui, je crois, est plus facile à saisir pour la majorité des gens. Mais là encore, avoir la grand-mère qui vous demande à chaque noël : « quand est-ce que tu vas nous ramener quelqu’un ? », ça peut être assez lourd, voire blessant. Voir les gens vous considérer comme un robot dès lors que vous vous identifiez comme aromantique également. L’aromantisme veut dire qu’on ne développe pas de sentiments romantiques, pas que l’on ne développe pas de sentiments du tout. Il est des amitiés tout aussi durables et profondes que n’importe quel couple.

 

Au fait, dans l'acronyme LGBTQIA+, le A est là pour les Asexuels et Aromantiques. Pas pour les allié.e.s, comme certain.e.s voudraient le croire ou le faire croire. Être "allié" à quelque chose, cela veut dire ne pas faire partie de quelque chose mais le soutenir tout de même. On ne peut donc pas être à la fois un allié de la communauté LGBTQIA ET prétendre en faire partie (en s'arrogeant le A). Ca n'a aucun sens. 

 

Sources :

La référence des sites dédiés aux asexuel.le.s est le site Aven : http://www.asexuality.org/fr/

Vous pouvez consulter ce site pour ce qui est de la fluidité sexuelle : http://www.genrespluriels.be/GenreS-non-binaires-ou-genreS

Autre article sympa (d’ailleurs le site entier est intéressant), sur les asexualités : https://asexualite.wordpress.com/2012/10/01/combien-de-dimensions-pour-ma-sexualite/#more-419

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